Cheminer pour apprendre : comment la recherche théologique transforme nos certitudes
Témoignage donné lors de la cérémonie des diplômés de la Faculté autonome de théologie de l'université de Genève
DÉCOUVERTE
Luc-Olivier Bosset
11/22/20253 min read


À l'occasion de la cérémonie de remise de mon doctorat qui a eu lieu le vendredi 21 novembre 2025, la Faculté autonome de théologie (Université de Genève) m'a demandé de partager un témoignage sur mon parcours de doctorant.
La vidéo de ce témoignage se trouve ici ( minute 1 h 01)
Témoignage
En entreprenant un travail doctoral, je souhaitais me relier à un milieu porteur. Après presque 20 années de ministère pastoral dans deux paroisses de l’église protestante unie de France, je désirai renouveler ma pratique en écoutant de manière approfondie les questions contemporaines d’une part et d’autre part en puisant de l’inspiration dans le trésor qu’est l’ample réflexion théologique protestante.
Ici dans cette faculté, et aussi dans le cadre de l’Institut protestant de théologie, auprès de mes directeurs de thèse les professeurs Marc Boss et Christophe Chalamet, j’ai bénéficié d’un accompagnement remarquable qui m’a de manière inoubliable enrichi. Avec exigence, n’hésitant pas à dire parfois que le papier rendu lui tombait des mains tant ma réflexion tournait en rond et peinait à décoller, Christophe m’a mis en contact avec des théologiens que je ne connaissais pas et qui ont merveilleusement élargi mon horizon.
Aujourd’hui, au terme de ce parcours doctoral, je peux témoigner que la liberté académique n’est pas ici un slogan. En me laissant totalement libre du choix de ma problématique, en me questionnant avec des remarques judicieuses sans jamais m’imposer une destination, cet accompagnement m’a laissé le temps de cheminer à mon rythme. J’ai pu aller là où ma curiosité me poussait pour faire des découvertes qui m’ont intimement transformé.
S’il fallait dire en un verbe ce que j’ai appris ici, je dirai « cheminer ». Au début, j’ai choisi un thème, j’ai posé une problématique. Puis chemin faisant, grâce au compagnonnage avec mes deux directeurs, j’ai appris à me laisser choisir par le thème, à ne pas retenir mes formulations initiales pour mieux rendre justice à la clarté qui s’était mise à poindre au cours des lectures et des discussions. Ce cheminement m’a enseigné la souplesse, la capacité à accueillir l’imprévu de la recherche et à accepter qu’une conviction se construise parfois en se détachant de nos certitudes premières. Cette ouverture progressive a permis à ma réflexion de s’affiner, jusqu’à éclairer des zones insoupçonnées de mon sujet.
Aujourd’hui, j’éprouve une vive gratitude vis-à-vis de cet incubateur qu’est la faculté qui m’a permis de vivre un tel cheminement.
Ma gratitude va aussi à ma chère épouse, Sarah, qui est la seule personne au monde qui connait le fond de ma thèse sans avoir eu besoin de la lire. Cheminer à ses côtés est une bénédiction inestimable pour laquelle je ne cesse de rendre grâce.
Enfin, je souhaite dédier le prix Chenevière-Munier que m’a décerné la faculté à Justine, Eloïse et Salomé, mes trois filles qui, chacune, est sur un parcours professionnel, d’étude et d’engagement. En leur dédiant ce prix, je souhaite leur dire combien notre compagnonnage familial, les discussions partagées, les convictions affirmées, les engagements vécus ont nourri l’élan de ma quête.
Je souhaite également leur dire une chose, une chose qui ne s’adresse pas qu’à elles mais aussi à tous les étudiants ici, ainsi qu’à l’étudiant que chacun de nous reste tout au long de son existence :
En hébreu, la lettre ל (lamed) signifie apprendre, étudier. Sa forme est particulière puisque partant du sol, elle ne monte pas de manière droite et rectiligne, mais elle s’incline vers l’avant avant de reprendre son élévation.
Alors que la forme de toutes les autres lettres reste à l’horizontale ou sont orientée vers le bas, ל (lamed) est la seule lettre qui perce la ligne du haut, comme pour signifier qu’apprendre, étudier, c’est percer la ligne qui restreint notre horizon, c’est percer ce qui limite nos capacités de penser et de discerner
De même, la forme de cette lettre nous rappelle qu’apprendre n’est pas un processus droit et rectiligne, par moment, il y a besoin de s’incliner, d’être humble, de se laisser être déplacé par ce qui nous rencontre
Un tel cheminement n’est pas toujours de tout repos, mais il vaut vraiment la peine d’être vécu.
Je vous remercie de votre attention
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"Notre tâche est de nous imprégner si profondément, si douloureusement et si passionnément de cette terre provisoire et éphémère, que son essence ressuscite en nous, invisible.
Nous sommes les abeilles de l’invisible. Nous butinons éperdument le miel du visible, pour le recueillir dans la grande ruche d'or de l'invisible."
Lettre à Witold VON HULEWICZ (13 novembre 1925), Correspondances de Rainer-Maria RILKE